La liberté

liberté

Quel est le sens précis de ce mot tel que défini par la gauche et présent dans la devise de la République « française » ?

Extraits de « La droite impossible » d’Yves-Marie Adeline :

« La liberté renverse les obligations

Avant même d’être l’expression d’une revendication sociale, la gauche est essentiellement l’exaltation de l’indépendance, de la liberté de décider soi-même – ou du moins collectivement, parce que l’individualisme absolu, l’anarchie, est impraticable – ce qui est bien ou mal, de ce qui est moral ou immoral. En un mot, chacun doit pouvoir être garant de sa propre détermination morale personnelle. En refusant toute espèce d’autorité transcendante qui ferait interférence, chacun devient son propre centre, sa propre référence.

La droite insiste sur des « obligations » : ob-ligere, un lien qui nous attache à quelque chose – ou quelqu’un – de supérieur. Cet attachement, la gauche le regarde comme une contrainte, dans la mesure où il relève précisément d’une obligation, et n’est pas issu d’un libre choix. Cette idée peut aller très loin, et produire les secousses les plus profondes, par exemple dans la révolution des mœurs. Je me souviens d’un livre intitulé La mal-mère, dans lequel l’auteur féminin s’insurgeait contre le principe d’un devoir d’amour maternel, de l’amour maternel dû à l’enfant. Pourquoi ce devoir ? Elle réclamait le droit de choisir, d’exercer sa liberté, son indépendance. Voilà une pensée caractéristique de la gauche, poussée vers ses conséquences ultimes.

Voilà la différence essentielle entre la droite et la gauche. La droite croit en des valeurs transcendantes, qui échappent à notre arbitrage ; des valeurs supérieures qu’aucune loi humaine, aucun consensus même, ne saurait légitimement contre-dire. C’est la fameuse querelle entre Antigone et Créon, tyran de Thèbes : Antigone se dresse contre l’édit de Créon, qui est pourtant une mesure légale, au nom de principes non formulés dans aucune loi, mais qu’il convient de respecter en vertu d’une sorte de morale naturelle. »


« C’est ainsi qu’elle définit le progrès : gagner et accumuler toujours plus de liberté individuelle, d’indépendance. On accède alors à l’âge de raison, à la maturité, à cette suprême dignité de l’homme qui le conduit à ne plus dépendre d’aucun maître, ni d’aucun dieu : « ni dieu ni maître », écrivait Blanqui. »


« L’émancipation sans fin

J’ai dit que la modernité, ou le modernisme, loin de ne signifier que la poussée technologique des automobiles ou des téléviseurs, est avant tout une philosophie, qui exalte, radicalise, couronne, sanctifie oserai-je dire, notre manière personnelle de concevoir le monde, le bien, le mal. En cela, l’homme devient une sorte de dieu sur terre, « deus quidam in terris » disait-on dès l’aube des Temps Modernes. Autrement dit, est moderne celui qui prétend se porter lui-même garant de ce qu’il fait. Ceci est bien, car mon libre-arbitre en a décidé ainsi ; et cela est mal pour les mêmes raisons. Il n’y a plus de lien supérieur, de transcendance : la spiritualité est d’abord l’activité de mon esprit, sans être reliée à quelque chose ou quelqu’un de plus haut que moi. En cela, la spiritualité de l’homme moderne n’est plus « religieuse », elle n’est plus reliée (du latin re-ligere) à une autorité supérieure. La conséquence de cette philosophie est évidente : en matière morale, je suis mon propre maître, en matière politique, je suis mon propre souverain. »


« Dans l’art

Il fallait bien s’attendre à ce que ce nouvel état d’esprit investisse d’autres domaines auxquels les hommes s’intéressent, et notamment la culture. C’est ainsi qu’est né ce qu’on appelle aujourd’hui « l’art contemporain ». A vrai dire, l’entreprise était plus difficile, parce que la perception que nous avons de la beauté n’est pas seulement intellectuelle, mais aussi naturelle : en musique, si un compositeur moderne décide de faire entendre à son auditoire le crissement d’une craie sur un tableau noir d’école, le public sursautera de déplaisir malgré lui, quelles que seraient ses bonnes intentions intellectuelles à l’égard du « maître » musicien.

Cependant, il demeure logique que l’homme moderne, libéré de toutes sortes de tutelles, ait souhaité étendre sa liberté partout ailleurs, parvenir aux conséquences ultimes de sa révolution : « Cela est beau, car j’en ai décidé ainsi ». Et même, plus l’art contemporain exprime cette libération, cette indépendance, en un mot : plus il est moderne, plus il est digne d’éloges. […]

Le lecteur se demande peut-être ce que viennent faire ces considérations esthétiques dans notre affaire : c’est pourtant la même histoire, la même aventure, la même conquête, la même émancipation. J’ai parlé plus haut d’exaltation abusive de notre modus, de notre manière de voir le monde. Un comportement analogue invite l’artiste à se prétendre « créateur », au sens divin du terme : ce qu’il produit est de l’art d’abord et avant tout parce qu’il prétend s’en porter garant lui-même. Ainsi disparaît le joug imposé par sa nature, c’est-à-dire par la sensibilité commune qu’il partage avec le reste du genre humain, mais aussi par les conditions naturelles qui limitent cette sensibilité : le grincement d’une craie sur un tableau noir. En cela, l’artiste moderne rêve de surhumanité. Il n’y a pas de transcendance : Dieu est mort, et nous avons pris sa place. Il n’y a pas plus de règles musicales ou picturales pré-établies qu’il n’y en a dans d’autres domaines. Les « valeurs » dont parle la droite ne sont que des manifestations de crédulité, d’abdication personnelle. Les seules références que nous puissions admettre doivent être produites par notre seule volonté : ainsi parle l’homme de gauche. »


« Le mariage est en effet un acte social, qui assure la continuité de la cité, produit de nouveaux citoyens, personnes juridiques, acteurs économiques et politiques. La mariage était le seul cadre reconnu pour la protection et le soutien de l’enfance – exception faite bien sûr des cas liés à l’incapacité parentale. Mais la libération que nous étudions ici est une libération de l’individu : aucune loi, aucune institution qui y ferait obstacle ne peut trouver grâce à ses yeux. »


Le philosophe Claude Polin sur la liberté et l’égalité telles qu’elles sont entendues par la pensée de gauche et donc par la République :

« Liberté et égalité sont dans la psyché moderne deux avatars de l’individualisme absolu qui en est la matrice. L’espèce homo modernus est née lorsque l’individu a commencé à se concevoir lui-même comme affranchi de toute obéissance à l’égard de quelque loi, règle ou norme que ce soit, à laquelle il n’aurait au préalable librement consenti. Le développement de la science moderne porte lui-même un éloquent témoignage de ce que cette ambition a de radical : l’homme moderne subit certes, comme ses ancêtres, les contraintes de la nature, mais avec cette différence considérable qu’il les conçoit comme purement provisoires. Il croit que sa liberté progresse du même pas que sa domination de la nature. Il fait encore moins de cas de la nature humaine : pour lui elle n’existe pas, quant aux coutumes aux usages issus de l’expérience, aux principes moraux supposés en résulter, il est d’autant plus moderne qu’il en fait table rase. Il n’y a plus d’hommes, il n’y a plus que des individus. L’évolution des mœurs témoigne à l’évidence de ce que l’individu moderne se comprend lui-même comme un monde à soi seul (un tout parfait disait Rousseau), un souverain à qui il est interdit d’interdire à moins qu’il ne souscrive, pour des raisons qui ne regardent que lui, à l’interdiction.

D’un mot, il n’est pas un moderne qui se reconnaisse comme moderne, et ne reconnaisse pas que la modernité même n’est rien sinon la conquête par l’individu de l’autonomie radicale procédant de la seule chose qu’il consente à appeler sa nature, une liberté conçue comme une simple capacité de pure indétermination. Ce que Descartes appelait encore le plus bas degré de la liberté est en réalité, dès l’instant que s’est estompé le dernier souvenir de la tradition, ce que l’individu moyen considère aujourd’hui plus ou moins consciemment comme son droit le plus imprescriptible et le plus élémentaire. Et dès lors que les hommes sont libres de cette liberté-là et en usent, comment pourraient-ils ne pas être égaux, du moins en droit, d’une égalité fondée sur l’absence de toute norme objective permettant de légitimer l’inégalité ? »


Extrait d’un texte de Claude Polin concernant cette notion de liberté :

« L’homme moderne se veut d’abord souverain, c’est-à-dire libre d’une liberté qui n’a d’autre limite qu’elle-même. C’est donc un être pour qui la notion de nature, que ce soit la sienne ou celle des choses, se réduit à celle d’un donné, essentiellement neutre, qu’il peut modeler à sa guise (la nature extérieure lui paraît faite pour qu’il s’en serve – en l’économisant au besoin – et il ne conçoit pas d’avoir lui-même d’autre nature que d’être libre). »


Extrait du livre « Groupes réducteurs et noyaux dirigeants » (1973) de Adrien Loubier :

Deux principes de base : Liberté – Égalité

Tout d’abord, on peut dégager deux règles essentielles :

La première est la liberté absolue pour les délibérants de penser et de dire ce qu’ils veulent. Cette règle peut être implicite, ou posée ouvertement en absolu. Aucune contrainte, (sauf celle-là). Chacun doit être libre de parler quand il veut. Aucune norme, aucune loi objective, aucune référence morale, aucun dogme, n’est reconnu a priori. À chacun sa vérité, ses convictions, son opinion.

La seconde règle est l’égalité des délibérants. Ici encore la chose peut être implicitement admise, simplement parce que tel est l’état moyen des esprits. On peut aussi la voir explicitée, posée clairement comme une règle du jeu par l’une des personnes présentes, ou par un animateur.
C’est pourquoi ce genre de groupe se réunit souvent autour d’une table ronde, dont la forme même marque l’absence de hiérarchie, garantie de l’égalité des participants.

Il est important de remarquer que ces deux règles sont réciproques l’une de l’autre.
Sans l’égalité des membres, l’un d’eux pourrait imposer son avis, son idée, son point de vue ou son expérience. Il n’y aurait plus de liberté. L’une garantit l’autre. L’une est indispensable à l’autre.

Les deux tendent à la même fin.
Cette fin, nous l’appellerons « libéralisation maximale ».

En effet, la philosophie générale de ces deux principes, qu’elle soit explicite ou implicite, est que les participants de la réunion soient libérés au maximum de toute loi comme de toute autorité. Ainsi, dira-t-on parfois, les individus qui composent le groupe seront dégagés des « habitudes », des « préjugés », des « tabous », des « inhibitions », qui les « conditionnent ».

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